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Rencontre avec la Daniela de Felice... par Cinema_du_Reel



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Cinéma du Réel 2013 : Rencontre avec Daniela De... par Universcine


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EXTRAIT DU JOURNAL DU REEL - # 1 - 2013



Le cinéma de Daniela de Felice a quelque chose des « struffoli », gâteaux napolitains que sa famille offrait aux voisins à Noël pour leur dire leur sympathie : généreux, colorés et doux, mais disant aussi quelque chose de l’absence et du déracinement. La réali- satrice réussit avec Casa l’alliance poétique du mot, de l’image filmique et du dessin qui transcende le réel tout en le parant des libertés de l’imaginaire. Un cinéma qui interroge sans pathos la disparition, tout en fixant avec délicatesse les petites choses de la vie, les rituels, les objets fétiches et les souvenirs qui restent.

Votre histoire familiale est au cœur de vos films : Edoardo et Bianca, Coserelle, Libro Nero. Casa s’attache à la maison de famille avant qu’elle ne soit vendue. Comment ce film s’est imposé à vous ?

Casa est un film d’adieu. C’est la clôture d’une trilogie, la fin d’un long voyage au sein de ma famille, entamé avec les autres films. C’est aussi, je crois, un film pivot dans mon travail, où j’arrête de porter le deuil.

Dans ce film, je classe, je mets de l’ordre, je fais une sorte d’inventaire des sentiments avant le grand déménagement. Je relis dans mon carnet de notes : « Casa sera un film sur la fin du deuil. Ce sera un film sur la sortie de l’hiver. Un film sensuel. Des allers/retours entre le vide qui hante la maison et la vie qui reprend. »

Vous portez sur votre mère et votre frère un regard plein de bienveillance, vous écoutez leurs histoires comme si c’était la première fois qu’ils vous les racontaient. Pouvez-vous nous parler de l’écriture du film et de ses mises en scènes ?

Ce projet est accompagné par ma famille avec générosité, ils ont accepté de paraître à l’image et d’être questionnés sur leurs sentiments les plus profonds. Nous avons tous attendu

que ce soit moins brûlant, moins à vif, afin d’être dans un état d’âme plus apaisé et serein. La vie continue, malgré le manque, dans la tendresse. Ce voyage a duré cinq ans. Le film est une question de dis- tance. Au début, il a été difficile de la trouver, puis j’ai décou- vert une liberté. Je n’étais plus en train de « faire un film », j’étais simplement en train de les écouter et les regarder. Je me suis laissée porter. J’ai lâché prise.

Une fois le film terminé, je me suis aperçue que c’était pour moi une façon de repousser l’éloignement et le mot fin sur cette période.

Votre voix à l’accent légèrement chantant et enfantin vient accompagner votre film comme une musique, en rythme et en déroule le cours de manière poétique, alliant des tonalités différentes, à la fois enveloppante et pleine de retenue. Comment l’avez-vous pensée et écrite ?

J’ai passé la moitié de ma vie à parler italien et l’autre à parler français. Ces deux langues me constituent. L’une est celle de mes racines, l’autre celle de ma vie adulte. Il m’est naturel d’écrire et de parler dans les deux. Il y a des mots, des concepts qui sont intraduisibles. Il y a des récits qui sont naturellement en français et d’autres en italien.

Les récits sont brefs et précis, ce sont des images, des actions et des atmosphères. Ils fonctionnent comme les dessins. Ils viennent du même endroit, ils se correspondent. Ils ont la même économie de signes. Mes images côtoient mes notes sur un cahier et se détachent de moi. S’éloignent. Cessent de brûler.

Votre rapport à l’image filmique semble indissociable de votre rapport au dessin. Pourriez-vous nous en parler ? C’est comme si j’étais ambidextre, d’une main je filme, de l’autre je dessine. C’est une continuité, un matériau qui s’entrelace. Mes dessins naissent en fonction d’un récit. J’alterne dessins et textes. Le dessin existe là où filmer n’est plus possible. On pourrait dire que c’est une reconstruction d’archives, une sorte de magie qui ferait réapparaître ce qui a disparu. Un dessin est une image mentale, intérieure, quelque chose de complètement subjectif. Il vient complé- ter les images du réel, qui appartiennent au monde extérieur. Le dessin est une écriture, il a le même statut que la voix off.

Dans un de vos films, Coserelle, on voit un pot de mou- tarde ne pas quitter le réfrigérateur après la mort de votre père. Ce qui vous semblait important, dites vous, ce n’était pas ce pot en tant que tel, mais bien le fait que votre famille décide de ne pas le jeter. Ainsi dans Casa, vous « dessinez » tout un réseau d’objets symboliques qui semblent raconter des choses échappant aux mots, qui font revivre des situations, comme autant de person- nages gravitant autour de vous. Est-ce que vous pourriez nous en dire un mot ?

Une souffrance, une aventure, un amour ne suffisent pas

Réel #1

à faire une histoire. Ce qui fait récit, c’est la parole qui cir- cule entre les personnages, dans ce cas au sein d’une famille, c’est la façon dont les choses prennent une épaisseur de mythe. Les objets sont chargés par cette mythologie fami- liale, par une sorte d’aura magique qui les fait devenir dépo- sitaires d’un peu de souffle. La vie se nicherait à l’intérieur, on ne sait pas trop où.

L’objet est une sorte de miroir cinématographique, une entité qui condense tout un univers resté hors-champ ou passé. C’est un fragment à partir duquel on peut construire le récit. Le spectateur recrée le lien entre cet objet rescapé et le monde disparu.

Il me semble aussi que certains objets sont une métaphore du temps figé, des éléments en sursis permanent. Lorsque la vente de la maison a été décidée, après la mort de mon père, j’ai été très préoccupée par les objets. Que choi- sir, puisque je ne pouvais pas tout prendre ? Que garder ? Ce film serait un essai de condensation de ces objets, une compression.

Votre cinéma parle de la perte, au sens où il semble vouloir saisir quelque chose qui disparaît, rendant le film comme nécessaire. Pourriez-vous nous raconter votre rapport au cinéma, et à la création de manière plus générale ?

Il me semble que la question de la disparition est centrale dans le cinéma puisque elle contient à la fois l’idée du temps et de l’image. La création, je crois, est intimement liée à la sincérité. C’est un état de fragilité, de solitude, un moment d’équi- libre précaire nourri de doutes. C’est pourquoi il me semble que le documentaire est un magnifique terrain. Parce qu’il n’y a pas de place pour autre chose que la loyauté. Le partage. C’est aussi beaucoup de travail, de recherches, d’essais. Puis, il y a ce moment de joie, quand l’on s’aperçoit que le film est enfin là, que le texte ou le dessin sont les bons. C’est grisant et fugitif.

Ensuite l’objet créée s’éloigne, vit une vie autonome. Le film rencontre des spectateurs et il ne nous appartient plus tout à fait.

Propos recueillis par Zoé Chantre et Maïté Peltier

http://blog.cinemadureel.org/wp-content/uploads/2013/03/Journal-1-OK1.pdf

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EXTRAIT DU BLOG DOCUMENTAIRE


« Jour 1 – Casa de Daniela de Felice

Casa est un film à la première personne dans lequel l’auteure met en scène la fin d’un deuil – celui de son père – en filmant le départ de la maison familiale qui, bientôt vendue, est en train d’être vidée. Dans ce lieu symbolique, Daniela de Felice filme sa mère et son frère triant les objets familiaux, évoquant avec elle leurs souvenirs du défunt, quatrième personnage apparaissant au fil de son absence. Ancré dans le moment du déménagement, la temporalité du tournage se complique en faisant interférer la parole et les objets. Photographies, collection figée de papillons sous vitrine, coquillages, casseroles dont la trace arrondie s’est imprimée sur le murs sont convoqués comme autant d’indices d’un temps vécu. Saisis ensemble dans l’environnement de la maison, personnages et choses inanimées rendent sensible la prégnance d’un passé qui occupe le lieu comme la mémoire de ses habitants. Ces séquences filmées laissent régulièrement la place à des passages dessinés évoquant des épisodes de l’enfance de l’auteure. Manière de se saisir des lacunes de l’image filmée au présent, par le dessin, la cinéaste transporte le spectateur dans un univers personnel où les souvenirs prennent une forme mouvante et partageable. Le film s’organise ainsi à partir de son expérience : Daniela de Felice est une présence hors-champ, impliquée dans la matière de son film à tous les niveaux. Par le lien intime à partir duquel se développent les situations familiales, sa présence derrière la caméra devient sensible. Et, avec le geste de dessiner, c’est son écriture, sa voix – tantôt en italien, tantôt en français – qui assure le passage, la continuité entre des temps hétérogènes qu’il s’agit de réconcilier.... »


Camille Bui


http://cinemadocumentaire.wordpress.com/2013/03/25/cinema-du-reel-2013-casa-le-printemps-dhana-kelly/





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