Revue de presse


Extraits de presse :

Universciné, Critikat, Fred Deux, Cécile Reims, Chantal Richard

 

“ Matthieu Chatellier - La Mort : 2-0

S'ils ont en apparence peu à voir, on est tenté de présenter Voir ce que devient l'ombre (20120) et Doux-Amer (2011) (sélectionnés simultanément lors de l'édition 2011 de Cinéma du Réel) comme des films-jumeaux. Faux-jumeaux, peut-être, mais jumeaux quand même...

Le premier est une commande institutionnelle, le second un autoportrait en malade. Dans le premier, Matthieu Chatellier filme les gestes minutieux de deux artistes octogénaires méconnus du grand public, dans le second, c'est l'apprivoisement d'une maladie envahissante qu'il met en scène. Dans chacun de ces films, il s'agit de dompter la mort. Car à la mauvaise fortune, Matthieu Chatellier oppose son bon coeur. S'en fout (presque) le diabète : il y a une compagne et deux fillettes à ses côtés et de meilleures raisons de vivre que de mourir.Film fait maison au sens le plus strict, c'est même de cela que Doux Amer (le deuxième, donc) tire son énergie positive. Le quotidien, les visites, les manèges et les saisons : some things never change, comme dit le poète. Et quand le "réel" ne suffit pas à absorber le trop plein d'anxiété, ce sont les récits de rêves et l'animation (irait-on jusqu'à parler d'animisme quand le cinéaste chemine au milieu des pins ?) qui prennent le relais. Le cinéaste dessine et fait vivre ses visions nocturnes : sa vésicule exposée au Quai Branly, des médecins-bouchers, Fellini tentant de convaincre Anita Ekberg de tourner à nouveau malgré l'âge et les rides... Comme tout cela se déroule à Naples, la ville des miracles et des processions, sans doute la plus polythéiste de villes catholiques, Chatellier convoque çà et là quelques dieux-lares ou aïeux trop tôt disparus (son beau père déjà était diabétique et ses seringues sont adaptées aux aiguilles de Matthieu...). Telle la maladie intruse qui tente de s'immiscer dans la vie idéale du réalisateur, le mot d'atavisme vous vient à l'esprit. Mais non, Chatellier résiste. Il a pour lui l'insuline, ses trois femmes et sa caméra. Dans Voir ce que devient l'ombre, un an plus tôt, il filmait durant plusieurs mois le quotidien ascétique et studieux de deux artistes qui viennent de traverser le plus barbare des siècles. Cécile Reims a perdu toute sa famille lors de l'extermination des Juifs de Lituanie. Fred Reims raconte son incrédulité de petit français faces aux rafles nazies qui emportèrent ses camarades de classe. Meurtris en profondeur, ces deux artistes rares se sont donc trouvés, peu après la guerre, pour ne plus se quitter, travaillant chaque jour à l'élaboration minutieuse d'une oeuvre de dessinateurs et graveurs hantés, lui fixeur de vertiges sur papier, elle graveuse, pour Bellmer, entre autres, mais aussi pour son propre compte.Pour eux, l'heure de constituer un "fonds" a sonné : 5000 lettres (pour la seule lettre B, Bataille, Bellmer, Breton...), 60 ans de coups de ciseaux à cuivre, des archives et des manuscrits (Fred Deux est aussi écrivain). D'ailleurs, un monsieur est là, qui aimerait voir quelques photos. La prochaine fois, il viendra avec des cartons pour emporter tout ça. Matthieu Chatellier, lui, a son film pour carton. Ce qui l'intéresse, c'est le geste précis et inlassable de Cécile Reims, qui évoque les années de guerre en décalquant un dessin de Bellmer pour le multiplier. Alors il enregistre. Le geste et la parole. Il filme le résultat. Passé, présent, futur. Fred Deux, lui, attaque la matière qu'il vient d'étendre sur le papier et décrit ses nuits d'insomnie, la respiration de Cécile, atteinte de la tuberculose depuis l'enfance. Ces gens-là sont des passeurs discrets, des trompe-la-mort sans orgueil. Trompe-la-mort ? Tiens, tiens... Film de commande ? Parfois le hasard fait bien les choses : Voir ce que devient l'ombre et Doux Amer s'éclairent ainsi l'un l'autre, faisant se rejoindre l'histoire intime d'un trentenaire de l'an 2000 et l'autre, la terrible, du Vingtième frais fini dans un commun combat pour la survivance. De quoi ? Comment ?Cécile Reims se réjouit à la fin de Voir ce que devient l'ombre : "Je suis heureuse de ne pas avoir eu d'enfants. La vie est trop horrible." Pas d'enfants, heureuse... Alors qu'ils sont peut-être, ces enfants, le moteur-même de Doux Amer. Matthieu Chatellier réalise ainsi, dans une version sans enfants, puis dans une avec, ce qu'on appellerait bien un dyptique contre la mort, une oeuvre à deux faces ; ces deux faces tournées dans des directions opposée à la recherche d'un même éventuel idéal, ou même un demi-idéal. Sinon un horizon possible, au moins un refuge. Dans l'art peut-être.

Universciné, juin 2012
http://www.universcine.com/articles/matthieu-chatellier-vs-la-mort-2-0

Retour haut de page

 

“ FAIRE AVEC... Avec une ambitieuse humilité : Matthieu Chatellier

Avec deux films sélectionnés dans le contrechamp français (Cinéma du réel 2011 au Centre Georges Pompidou à Paris), on aura donc eu l’occasion et le plaisir de faire connaissance avec Matthieu Chatellier, dont le geste permet aussi de dessiner les grandes lignes des différentes sélections, et même au-delà. Doux amer fait partie de ces énonciations très personnelles − faute de mieux, disons un journal filmé −, où s’exprime un « je ». On pense logiquement à Alain Cavalier, mais aussi à Nanni Moretti, particulièrement la troisième partie de Journal intime (1994) − Matthieu Chatellier se découvre gravement diabétique et son existence devient ainsi ritualisée par cette maladie. Quoi qu’il en soit de ce comparatisme, la réussite ne fait aucun doute, particulièrement en raison de la générosité du geste, de la perpétuelle hésitation entre les deux opposés du titre. Avec son étonnante créativité narrative et visuelle (formidables séquences nocturnes "animées"), sa gravité doublée d’un humour bien trempé, Doux amer fait partie de ces œuvres qui vivent un déplacement du « je » vers un « nous ». Matthieu Chatellier tisse un film-territoire pour un spectateur jamais exclu, au contraire, toujours généreusement convié à s’engouffrer dans une précieuse interrogation de son état de présence au monde.

Ces données sont valables également pour Voir ce que devient l’ombre qui s’aventure sur le terrain plein d’écueils du portrait d’artiste, ici d’un couple − le dessinateur Fred Deux et la graveuse Cécile Reims. Arrivés au seuil de la mort, ils préparent avec soin ce départ en confiant, dans un acte de dépossession volontaire, œuvres et archives à des musées et instituts. L’ouverture et la fin exceptées, le film se déroule en huis clos, au domicile teinté de beige et de marron du couple − jusqu’à leurs vêtements −, dans une ombre que des rais de lumière viennent parfois disputer. Du portrait fait sur, on comprend très vite que Voir ce que devient l’ombre est réalisé avec. Avec le couple dont Matthieu Chatellier partage la table, avec ces artistes et avec leurs œuvres. Ces dernières ne sont jamais pompeusement filmées, mais toujours captées en communication avec leurs créateurs, et ce sont d’elles que semble surgir de façon presque magique une parole parcourue par les drames du XXe siècle, un verbe qui oscille entre bonheur et douleur d’être en vie. Entre Doux amer et Voir ce que devient l’ombre, avec une délicatesse, un altruisme et une humilité vécues − et jamais volontaristes −, ce filmeur que l’on découvre alimente précieusement les braises de la vie, même quand elles se trouvent sous la menace des cendres. (...)“

Magazine Critikat, mars 2011

Retour haut de page

 

COMMENT DEVIENT-ON UN ARTISTE ? JE VOULAIS L’ÉCRIRE. J’AI BIFURQUÉ.

Je viens d’avoir 15 ans. Je travaille en usine chez Farman. En revenant à la maison, à bicyclette, je passe devant un bâtiment entouré d’un parc. Un jour, je m’approche pour lire la plaque : « Studios de Saint-Cloud . » Je vais jusqu’au bâtiment, pose la main sur la poignée de la porte d’entrée. Je la pousse. Elle résiste. Je rebrousse chemin et reviens au bord de la Seine. Je me parle : « Ce n’est pas pour toi. » Je reprends ma bicyclette, la saisis par le guidon. Je l’enfourche et pédale en direction de Saint-Cloud. J’ai froid. Cette question : « Qu’est-ce que c’est ? » me taraude. Dans l’usine où je travaille depuis dix mois, je ne suis ni bien, ni mal. Je ne sais pourquoi cette idée fixe revient plusieurs fois par jour. De temps en temps j’ai des marottes qui m’agacent. La nuit, d’autres surgissent, repassent sans leur trouver de réponse. Seul, l’oncle a réponse à toutes les questions. Avec la façon qu’il a de lever la tête et d’ouvrir la bouche... sans rien dire, mais en souriant. Mais l’oncle est mort... (Mon père, lui, dessine des têtes prises dans des journaux. Des cyclistes, parfois des boxeurs...) Nous vivions dans une des caves de l’immeuble, avant que ma mère n’en devienne la concierge. Un immeuble bourgeois ! Notre cave avait une petite fenêtre donnant à l’arrière, sur des jardins. L’oncle logeait dans une chambre au quatrième étage. Dès que je le pouvais, je grimpais les escaliers et me glissais dans son lit chaud. Mes parents dormaient avec moi avant d’occuper la loge, quand elle fut libérée. Mais nous nous retrouvions tous à la cave pour nos repas. La table ronde recevait les cinq Deux ! Ce soir-là, les deux frères fumaient, la grand-mère se serrait près de la petite cuisinière qui chauffait la pièce ; la mère grattait le feu avec son tisonnier. L’oncle écrasa sa cigarette et dit : « Oui » Souvent, il lâchait un mot, parfois saisissable, d’autres fois étrange. Il éteignait toujours sa cigarette en la frottant contre la grille du foyer. Il se leva, comme toujours en s’étirant. « A table ! » appela ma mère. J’aimais bondir et m’arrêter près de mon siège, une vieille bourrique qui craquait. « Comme mes os », disait alors ma mère. Nous nous amusions à ce jeu. La grand-mère approcha ses doigts et tira à elle sa chaise. Mon père se frotta les mains. L’oncle tourna la tête vers le plafond taché puis fit passer sa main droite sur sa mâchoire. On parlait sans faire trop attention aux questions posées. Ma mère apporta la marmite de légumes avec de la viande qui y flottait. L’oncle, sa soupe finie, s’étira, sortit sa cigarette, la mit entre ses lèvres et craqua une allumette. Il avait une manière étonnante de tenir le briquet qui venait mordre le tabac. Il souffla une longue trainée de fumée que je suivis des yeux jusqu’au plafond. Il se tourna vers moi et me demanda à voix basse : - Tu as choisi quelque chose pour la fête . Hein ? Je t’écoute. - Oui, mais je te le dirai demain. - Maintenant. Dis-le moi. Approche-toi. Je me mis à rire et, à son oreille, je marmonnai : - Un ballon. Ma mère se leva. Elle ramassa les couverts. La grand-mère chercha, à tâtons, le mur pour se guider. Ma mère arrangeait son tablier. Mon père restait assis. L’oncle s’en alla. Je calculai qu’il devait être arrivé au troisième étage et allait atteindre, au quatrième, le robinet qu’utilisaient les bonnes. Je le voyais. Il entrait dans sa chambre. Maintenant, il devait être sur son lit et allumait une autre cigarette. Quand plongea jusqu’à nous, dans la cave, un grand cri gris-rouge... Frééédii... Je me suis levé, j’ai bondi vers le vestibule, grimpé l’escalier de pierre. J’étais essoufflé. Au deuxième étage je repris mon souffle. Je chuchotai : « J’aaaaarriiivee... » Troisième étage. Encore un... Quatrième... ça y est... Ouf ! Je... suis là. Il était là. Devant moi. Non ! Je suis là, je suis là... Non... C’est moi... Il était allongé par terre. C’était tellement lui... J’ai touché sa main... Non... Sur le dos il était. Lui pour qui... Quoi... On montait dans l’escalier. Qui ? Laissez-moi avec... seul. Un vent se levait. C’était le père. « Il est là », j’ai dit. Le père s’était mis à genoux. Il fouillait. Je ne sais quoi. « Il est mort ? » J’ai pu articuler ces mots. Je me penchai vers la cage d’escalier, le trou. Je ne voulais pas de ma mère... Le père avait posé sa tête sur la poitrine de lui. L’ONCLE ! Il s’est suicidé le 2 Décembre 1942.

Fred Deux

Retour haut de page

 

LA RÉPONSE EST DANS LA QUESTION

Il y a de cela quelques années, j'avais assisté, à l'occasion d'une exposition, à la projection d'un film réalisé par Nelly Kaplan sur Bresdin, graveur singulier et dont les eaux fortes me parlent au-delà de ce qu'on y perçoit à première vue. De son existence – marginale – il ne reste aucune trace visible. Seules ses gravures ont résisté au temps. C'est sous cette forme que j'avais imaginé, lorsqu'il en fut question, un film sur Fred Deux, dessinateur, écrivain ; et Cécile Reims, graveur s'exprimant épisodiquement par l'écrit. Comme dans le film sur Bresdin, l'objectif de la caméra se serait approché de l'oeuvre, aurait pénétré les arcanes particulièrement foisonnantes de l'imaginaire de Fred. Mais le film prit une tout autre direction.

Il devint, par la perception qu'avait le réalisateur du «sujet», l'approche d une vie. Celle d'une femme, d'un homme, d'un couple d'artistes qui se sont rencontrés alors que le passé de l'un était aux antipodes de celui de l'autre, qui ont fait route commune depuis plus d'un demi siècle, pour qui l'art fut à la fois un fil d'Ariane et un garde fou, et qui sont encore à l'oeuvre aux abords du terme de leur existence.

Dès lors que le film avait bifurqué, demeurait cependant le souci d'authenticité: «d'être vrais» dirait Fred. Ce qui avait régi notre manière de vivre (solitaire et à l'écart) et la pratique – j'emploie ce mot dans toute sa signification – de l'art.

« La réponse est dans la question! » dit le Talmud. En nous interrogeant, Matthieu a su, à la fois, s'effacer et être présent, faisant, tel un sourcier, venir des paroles qui seraient probablement restées muettes, et auxquelles l'image donne une toute autre force que l'écriture. Image directe. Sans retouche. Visage sans fard. Alors que lorsque j'écris, à partir de ce qu'est ou fut notre vie, j'éprouve le besoin, la nécessité de revenir sur ce que j'ai dit, de remodeler ce que j'ai essayé d exprimer, avec la précision du buriniste que je suis. (C est par hasard que j'ai pris en main cet outil incisif, ce n'est pas par hasard que je lui suis restée fidèle).

Si, par ailleurs, un autre texte est écrit, publié ultérieurement, il peut, par un angle de vision différent, nuancer le précédent, en adoucir les arêtes. De plus, un livre se lit dans l'intimité d'un face à face : celui du lecteur et de l'auteur. Tandis que le film interdit toute révision. Projeté dans une salle où sont rassemblés, dans l'obscurité, des spectateurs, c’est notre personne qui est en jeu. Jeu redoutable ! Parfois, faisant passer les séquences du film (dans le souvenir que j'en ai, car nous ne possédons pas d'appareil diffuseur d'images ), j'éprouve une gêne. Celle de m'être montrée – ne fut-ce qu'intérieurement – avec indécence. Comme cela m'arrive dans un rêve récurrent : je me retrouve nue, ayant oublié de me vêtir, au milieu des passants, qui, du reste, ne s'aperçoivent pas de ma nudité, alors que j'en ai douloureusement honte ! A d'autres moments, prévaut le sentiment d'avoir fait ce que je devais faire et sans orgueil, je crois : d'avoir témoigné. Témoignage de vivant – de survivant qui se devait de donner un sens à la vie qui lui avait été donnée et laissée. Et cela par tous les moyens rencontrés sur sa route, sa longue route, à la fois droite et accidentée. Si c’est ce qui ressort du film, j'en remercie Matthieu.

Cécile Reims

Retour haut de page


« FACE À FACE AVEC SOI »

C’est toujours intriguant quand un cinéaste se propose de cheminer avec d’autres artistes, d’autres arts, et en l’occurrence Supprimer le fichier une autre génération. Quelle nécessité a-t-il à les fréquenter ? Pourquoi eux ? Quel rapport avec les oeuvres ? Comment rendre compte de la création ? Face à ces questions, au fond souvent trop lourdes pour faire un film, Matthieu répond par le cinéma. Il regarde les visages, il observe les mains, il écoute les silences, il ne force ni les regards ni les confidences, il donne le temps aux oeuvres pour être vues, il baigne visages et oeuvres dans une lumière chaude, rassurante. Il a confiance.

Tout au long du film, sa confiance est inébranlable. Elle permet à Cécile Reims et Fred Deux de faire le bilan de leurs vies comme on raconterait une histoire, simplement, intimement, pudiquement, tranquillement. Elle nous permet, à nous spectateurs, d’être réceptif à la question, pourtant aride, du sens de notre existence. Il se dit dans ce film des choses essentielles sur la création, sur les amitiés qui comptent dans une vie, sur la maternité, sur la maladie, sur la mort, sur la nature, sur l’histoire du vingtième siècle… Et peut-être surtout sur l’amour.

Toutes ces choses, Cécile et Fred les racontent en travaillant le cuivre, la peinture, la gravure, la matière. Parfois aussi en réfléchissant devant nous, les yeux mi-clos, le visage incliné vers leurs ouvrages. Ou en lisant des textes, écrits autrefois ou récemment. Des paroles vraies, jamais de discours, encore moins de leçons. Puis les mots s’arrêtent. Fred nourrit les oiseaux. Cécile photographie les arbres. Et nous aussi, nous marquons une pause pour que se décantent les paroles. Ce « face à face avec soi », dont parle Cécile pour décrire l’acte créatif, le film l’offre au spectateur. En ces temps où l’on estime le spectateur si volage qu’on force les sons et accélère les images pour mieux le retenir, c’est tout simplement formidable.

Et c’est par ce temps et cet espace qui nous sont donnés que nous pouvons regarder l’étoile jaune que Cécile a portée, que nous pouvons écouter l’histoire de l’oncle fou de Fred qui dessinait des têtes de chiens sur les façades des immeubles, que nous pouvons les voir préparer leurs cartons à destination d’un fonds d’archives. La première séquence, superbe dans son absence de couleurs, montre les deux artistes seuls, au milieu de leurs oeuvres qui viennent d’être exposées. Puis un jeune homme écrit au pochoir leurs noms, Cécile Reims et Fred Deux, en lettres noires sur un mur blanc. Des pleins et des creux comme l’histoire que Matthieu nous invite à suivre. En faisant naître la couleur. En ne quittant plus la maison où Cécile et Fred vivent et travaillent aujourd’hui.

Jusqu’à la dernière séquence, où soudainement Matthieu les quitte. Il va tout seul là où ils ne peuvent plus aller à cause de l’âge. Au village de Lacoux où ils ont vécu, où la montagne, ses sons, ses odeurs, la neige, l’altitude, ont rempli leurs vies et inspiré leurs oeuvres. Là où Fred, en regardant une photo ancienne, admire la beauté de Cécile. Geste magnifique d’un cinéaste qui inscrit là sa propre nécessité sans pour autant écarter ses personnages, sans les spolier de leur cheminement. Matthieu découvre Lacoux. Cécile n’a jamais revu Jérusalem. Fred rêve dans la nuit bleue de son jardin.

Et nous, nous avons de nouveaux compagnons pour poursuivre la route. C’est sans doute ce que Matthieu était allé chercher.

Chantal Richard, cinéaste

Retour haut de page